Le marketing des émotions, Georges Chétochine, Editions d’Organisation


Couverture Chetochine-jpgGeorges Chétochine a été pendant 20 ans professeur de Marketing à Paris IX – Dauphine et met en évidence un nouvel enjeu du marketing actuel : transmettre de l’émotion. Le mix marketing de Philip Kotler (ou les 4P) ou le principe de la segmentation de l’offre et de la demande ne sont pas vraiment « obsolètes », mais ils doivent être complétés par le « marketing de l’émotion ». Un livre très intéressant qui, grâce aux nombreux exemples concrets sur lesquels s’appuie l’auteur, permet d’observer une des théories d’évolution du marketing actuel.

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Avant tout, Georges Chétochine revient sur la notion même de marketing. Il rappelle que de nombreuses société aujourd’hui très connues sont nées sans grandes études marketing, mais seulement grâce à la créativité et au labeur de leurs fondateurs (Gilette, Kleenex, Procter & Gamble etc.). Le marketing n’est à l’origine que du bon sens, un moyen intrinsèque de mieux répondre à une demande, ou de la créer…

La marque est un « repère émotionnel » pour le consommateur, qui ne se doit pas d’être chère pour rassurer l’acheteur. Cependant, l’auteur distingue trois classes :

  • ·      La marque absolue : est choisie en priorité par le consommateur. Il est prouvé que les consommateurs achètentNutella grâce à la « cortico-dépendance gustative » des enfants au goût du produit. Ce type de marque (Pedigree, Colgate,  Ariel etc.) génère une « anxiété », entretenue par la publicité.
  • ·      La marque relative : ne procure pas forcément du plaisir à l’utilisateur final, mais l’attachement à la marque permet de résister aux variations de prix jusqu’à un certain niveau. L’exemple de l’huile de tournesol Lesieur  montre que le consommateur n’est pas particulièrement anxieux à utiliser une autre huile pour faire ses salades, et qu’il peut éprouver un certain plaisir à acheteur un produit moins cher.
  • ·      La marque transparente : possède certes une notoriété, mais ne procure pas d’émotion pour autant. Les mouchoirs en papier Kleenex en sont, d’après l’auteur, une bonne illustration : ils se vendent essentiellement grâce à leur présence en linéaire et aux promotions, mais ne résistent plus aux attaques de prix des MDD.

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Maintenant que les besoins des consommateurs sont très largement satisfaits, les marques doivent donc trouver de nouveaux stratagèmes pour entrainer l’acte d’achat. Par exemple la marque de textile American Apparel ou le distributeur E. Leclerc peuvent ainsi se définir comme des « marques combat » qui disent répondre aux nouvelles préoccupations des consommateurs. Edouard Leclerc s’affiche ainsi comme un défenseur du pouvoir d’achat grâce à son engagement prix, etAmerican Apparel conçoit et fabrique ses produits dans des conditions socialement acceptables, aux Etats-Unis.

Dyson, lui, a compris que le sac provoquait une certaine frustration chez la ménagère et que son élimination lui permettait de rendre son produit beaucoup plus attractif. Le produit sans sac élimine l’anxiété “sac” lors de l’utilisation d’un aspirateur . Selon Georges Chétochine, l’enseigne Décathlon doit aussi une partie de son succès à sa « politique de vente zéro-frustration ». Le produit “sport” étant anxiogène par nature, il est important de rassurer le client. Les vendeurs sont donc des conseillers –toujours pratiquants- qui sont chargés de vendre le produit qui convient le mieux au client, sans que ce soit nécessairement le plus cher. Décathlon a aujourd’hui de nombreuses marques propres et innove énormément, ce qui permet à l’enseigne de proposer des produits de bonne qualité à des prix défiant toute la concurrence des marques établies. Le client est satisfait.

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Avec de nombreuses références faites aux sciences cognitives, à la politique ou encore aux particularités de notre époque, Georges Chétochine aborde ainsi l’importance de l’émotion dans notre vie quotidienne. Les exemples de ce “marketing de l’émotion” sont nombreux et se déclinent très différemment. Que ce soit le buzz, le marketing viral, le marketing sensoriel ou les autres nouvelles formes de promotion qui fleurissent notamment depuis l’essor d’internet, toutes jouent sur l’ humanité du consommateur pour capter son attention. Les NTIC ont profondément changé les habitudes d’achat (G. Chétochine parle d’internet comme “un moyen d’éviter toute une série de frustrations quotidiennes”) et une marque doit trouver la subtilité d’intéresser le consommateur être intrusive ou agaçante. Un très bon exemple est la campagne de Dove, qui a très bien marché pendant quelques mois, mais dont l’éfficacité à long terme n’est pas encore prouvée. D’autres exemples sont visibles sur le site Marketing Alternatif.

Un livre destiné aux marketeurs, qui défend un point de vue fort juste. On est cependant en droit de se demander quel sera la prochaine évolution? Que trouveront les marques lorsque le consommateur deviendra perméable à ces techniques? On parle beaucoup de neuromarketing. Les marques commencent-elles à manipuler notre inconscient? Personnellement je pense que plus on se tient au courant de l’actualité du marketing et de la publicité, plus on réfléchit lorsqu’on se trouve confronté à ces messages, et moins on est manipulable.

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