Conférence de Thierry de Montbrial, le 10 février 2009 à l’ESSCA Angers


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A l’occasion du centenaire de l’Ecole, l’ESSCA a accueilli Thierry de Montbrial, fondateur et directeur de l’IFRI (Institut Français des Relations Internationales). Dans un contexte de crise et de mise en cause de notre modèle de civilisation, M. de Montbrial a rappelé les valeurs qui dirigent notre société chrétienne et pointe certaines contradictions qui ont contribué à cette situation. L’amphi Gounouf de l’ESSCA Angers accueillait des dirigeants d’entreprises, permanents de l’Ecole et des élèves, bien que tout le monde n’a pas pu suivre la conférence. L’ESSCA la retransmettait dans un autre amphi angevin ainsi que sur le site de Paris.

Spécialiste en économie et relations internationales, Thierry de Montbrial est diplômé de l’Ecole Polytechnique (1963), de l’Ecole des Mines (1966) et de l’Université de Berkeley. Il a fondé et présidé jusqu’en 1992 le département d’économie de l’Ecole Polytechnique et dirige aujourd’hui la revue Politique Etrangère qui diffuse les analyses françaises relatives aux relations internationales dans le monde. On peut terminer cette brève introduction par ses fonctions d’enseignement, puisqu’il professe à l’X (sciences économiques), au Conservatoire nationale des Arts et Métiers (économie politique appliquée) ainsi qu’à Paris II Panthéon Assas (théories des relations internationales).

Dans son discours -d’une bonne heure- M. de Montbrial a abordé la situation actuelle mais il a commencé par certains rappels historiques. Ainsi, de toutes les révolutions du monde, les trois plus importantes sont l’écriture, l’imprimerie et les NTIC, dont l’ampleur va grandissante. Il est intéressant de remarquer que toutes ces “révolutions” sont liées à la communication. Je vous invite à ce sujet à lire le livre de Dominique Wolton : Mc Luhan ne répond plus, aux éditions l’Aube.

Lorsqu’on regarde la récente évolution des relations internationales, le directeur de l’IFRI revient sur la chute de l’URSS, qui est selon lui l’évènement majeur du XXème siècle. D’ailleurs, nous en ressentons encore les conséquences aujourd’hui, notamment dans la construction européenne. Le déplacement du centre de gravité de l’UE vers l’Est est un fait logique, mais pas facile à accepter par les membres fondateurs. L’utopie bien française d’un “monde stagnant” n’a aucun fondement et peut même être une chose dangereuse, dans le sens où “son application permet de perpétuer les totalitarismes et empêche l’évolution des systèmes fiables“.

S'adapter, ou se protéger ? Sarkozy chez PSA-jpg

Pour revenir à l’Union Européenne, l’Ingénieur général des Mines pense que la politique économique européenne ne va pas assez dans le sens de l’uniformisation politique, dont l’Euro-zone est un exemple. Il critique ainsi les décisions individuelles comme qui ne sont pas coordonnées, comme l’aide de 6,5 milliards d’Euros que Nicolas Sarkozy a accordé au secteur automobile français en début d’année. Le protectionnisme serait ainsi un “scénario catastrophe” de la crise puisque cela fausse toutes les règles de la concurrence et ne favorise pas la confiance mondiale dont nous avons besoin.

La stabilité mondiale ne dépend donc plus de la Triade (Europe, Etats-Unis, Japon) mais aussi et surtout des grands pays émergents comme l’Inde, le Brésil ou encore la Chine. Le parti unique du pays, Parti Communiste Chinois, trouve aujourd’hui sa légitimité dans la poursuite de la croissance économique. Non sans le monde stagnant, Thierry de Montbrial voit dans ce pragmatisme (la contradiction entre les valeurs fondatrices du PCC et la situation chinoise) la force de ces pays. Il n’a cependant pas abordé l’aléa moral causé par les dérives de ce système… Mais selon lui, les entreprises et les institutions n’existent pas pour être éternelles. Ainsi, il a fait référence à des entreprises telles que Apple, Microsoft ou IBM, mais aussi au CNRS dont l’actuelle résistance au changement constitue une menace : la difficulté de se réformer pour s’adapter. Schumpeter pensait que la capacité à constamment se renouveller constitue la force principale d’un système.

Manifestation de chercheurs au CNRS (19 juin 09)-jpg

Même quand “les choses vont bien“, les hommes ont naturellement tendance au “relâchement“. Le conférencier explique cela par “l’extrapolation des discours positivites et inhibant le doute“, Danny Miller apelle cela le Paradoxe d’Icare (son livre). Il faut souvent des drames pour regarder les choses en face et la crise économique et écologique actuelle en est un, c’est certain. Plus précisément, M. de Montbrial évoque l’interruption totale des marchés interbancaires que nous observons aujourd’hui. Il reproche aussi à Alan Greenspan d’avoir permis de développer “un système basé sur l’irréel” avec sa foi aveugle dans le marché. Il croyait en l’accroissement supérieure de la productivité (grâce aux NTIC) face au capital, ce qui s’est révélé faux.

Il est nécéssaire d’espérer pour entreprendre

Les difficultés que rencontre l’homme lorsqu’il entreprend (l’entrepreneur donc…), c’est lui-même qui les créé, et non pas la nature. C’est cette vision très cartésienne que Thierry de Montbrial défend, disant qu’il faut y répondre (aux difficultés) par “la vertu et la persévérance“. Il a aussi souligné l’importance de rester fidèle à ses valeurs dans son action puisque, inévitablement, la durée et l’expérience mettent à l’épreuve notre éthique à tous. Selon lui, le meilleur leadership est donc le “leadership par l’exemple“, qui induit le moins de biais et le plus de crédibilité.

Bien qu’il ait un CV impressionnant, j’aurais justement pensé que ce Monsieur aurait été plus humble. Parfois distant, parfois évasif, M. de Montbrial m’a paru un peu hautain. Est-ce son attitude naturelle ou une conséquence de son indiscutable appartenance à l’élite? Je ne sais pas. Lorsqu’un étudiant (esscaïen) a posé une question sur l’appartenance du conférencier au très confidentiel groupe Bilderberg, M. de Montbrial s’est permis de ne pas répondre en substance, mais plutôt de revendiquer son droit à en faire partie. J’aurais personnellement préféré avoir ses explications plutôt que de devoir aller chercher des infos sur internet (WikipediaRue89 etc.). Il était cependant très impressionnant de rencontrer une personne de sa culture, et j’ai toujours beaucoup de respect pour les personnes si intelligentes.

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