La Mondialisation : Emergences et Fragmentations, Pierre-Noël Giraud, éd. Sciences Humaines


 

Couverture

Il y a quelques mois, un lecteur m’a conseillé ce livre de Pierre-Noël Giraud sur la mondialisation. Je vous avoue que j’en ai lu beaucoup, des livres sur la mondialisation, et que j’ai appréhendé de relire les mêmes constats, les mêmes exemples et les mêmes propositions… mais celui-là a effectivement le mérite d’être synthétique et clair. Les thèses du bouquin sont intéressantes : parmi elles, j’ai notamment retenu que l’avenir “[de l’Afrique] repose fondamentalement entre les mains de ses habitants” et que les systèmes politiques et économiques actuel doivent être réformé s’il nous voulons un développement durable. Une croissance durable, je veux dire.

Portrait

© Catherine Lambert/OPALE

L’auteur, Pierre-Noël Giraud, est économiste et enseigne l’économie à Mines ParisTech. Publié en 2008, le livre nous apporte une analyse différente de cette mondialisation qui a commencé au XIXème siècle. Comme le titre le suggère, il aborde la question des inégalités territoriales, qu’elles soient entre les états ou en leur sein. Un des effets souvent mis en évidence lorsqu’on aborde la mondialisation est que les territoires sont soumis à une compétition identique à celle entre les firmes globales. Du coup, ils se positionnent, comme des entreprises : l’Allemagne a par exemple choisi l’industrie et l’export, la Chine la production manufacturière et l’Inde les services.

Mais ce qui semble être particulièrement intéressant dans les livres de Pierre-Noël Giraud, c’est qu’il apporte des points de vue différents quant aux sujets qu’il traite. Dans L’inégalité du Monde, il avait déjà mis en avant les inégalités internes ET externes causées par la mondialisation (distinguant notamment les acteurs “compétitifs”, les “protégés” et les “sans-droit”) ; dans La Mondialisation, j’ai aussi retenu son analyse sur l’Afrique :

Dessousdescartes

Cette vidéo (2007) du Dessous Des Cartes explique que la main d'œuvre chinoise est toujours moins chère - et donc exportable en Afrique - que les travailleurs Africains. Pour combien de temps encore ?

Selon lui, c’est l’industrialisation qui permettra au continent africain de (enfin) profiter de la mondialisation. Il n’entend pas seulement les activités extractives, qui ont déjà causé beaucoup de mal en Afrique, mais surtout les activités intenses en main d’œuvre et venant en majorité… de Chine. Une fois que la Chine aura besoin de délocaliser à son tour des activités intenses en main d’œuvre, elle devra se tourner vers le continent africain. “L’Afrique devra attendre son tour“, dit l’auteur. Elle devra surtout être mieux gouvernée, et l’Afrique du Sud a selon lui un rôle important à jouer comme modèle pour l’Afrique subsaharienne.

L’autre idée que j’ai retenue de la lecture de ce bouquin d’à peine 160 pages est que les défis actuels (gestion des ressources naturelles, instabilité financière, grande pauvreté etc.) ne pourront être abordés efficacement que par la négociation permanente entre un groupe de pays influents dans le monde. Il s’agit là d’inclure tous les continents, mais pas plus de 10 pays, cela nuirait à l’efficacité des négociations. Mais en l’absence de volonté de réformer la mondialisation, Jean-Noël Giraud propose aussi un autre scénario – beaucoup moins moral – celui de “l’homme inutile” : la mondialisation peut très bien fonctionner en ignorant le milliard d’en bas (d’après l’expression The Bottom Billion, proposée en 2007 par Paul Collier). “Les capitalismes pourraient fort bien, sur leurs propres territoires et dans les territoires délaissés par la mondialisation, parquer, contrôler et ignorer des masses considérables d’ ‘hommes inutiles’ “, écrit l’auteur. Et cela semble plus probable qu’on le souhaiterait…

 

speech

Dans The Fortune of the Bottom of the Pyramid, C.K. Prahalad décrivait le potentiel du marché des "pauvres" (photo de globalenvision.org)

Alors que j’ai sauté quelques passages au début du bouquin, où sont expliqués l’histoire et les principes de la mondialisation, j’ai lu avec beaucoup d’intérêt cette analyse de la mondialisation de Pierre-Noël Giraud. Le contenu est synthétique -oui-, abordable -pas universellement-, mais certainement intéressant. Je trouve que certains phénomènes de consommation auraient mérité d’être cités comme des solutions crédibles : l’émergence de la consommation responsable (“consom’action”) et du design social sont à mon avis deux mouvements qui reflètent une volonté de réduire la pauvreté causée par la mondialisation jusqu’au jour d’aujourd’hui. Peut-être leur pouvoir n’est-il que marginal… mais un de mes professeurs de stratégie à UWF disait souvent que “change happens at the margins“.

4 Comments

  1. merci pour ce commentaire complet d’un livre court, j’apprécie la clarté de cet économiste, limpide par rapport à tous les autres. Il faut aussi lire le commerce des promesses, remis à jour en 2010

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